PAGE 2 / COUP D OEIL SUR LA VILLE DE GAO

Le 19/03/2008

Dans DU COTE DE GAO

940109277.jpg

La grille du jardin de l'hotel vient de s'ouvrir et un Touareg vient vers nous. Il porte un superbe boubou de la couleur du cuivre rouge, ses cheveux comme à leur habitude sont ceints d'un chèche foncé. Je le regarde s'approcher. C'est vrai qu'ils ont belle prestance , le corps drapé jusqu'aux pieds dans ce tissus soyeux qui se balance au rythme de leurs pas ...je ne vois que ses yeux qui semblent me regarder avec insistance et à ce moment là , je réalise : c'est Moussa qui pour un temps , a quitté son habit indigo !

Cette apparition me laisse une étrange impression. Moussa en France , seul vêtu de son habit bleu cela ne m'etonne plus mais là , parmi d'autres vêtements traditionnels cela me permet de réaliser que cette fois ce n'est plus un rêve, nous sommes au pays des Touareg...

Il s'approche de nous pour nous souhaiter la bienvenue et son apparition ne perturbe en aucune façon les habitudes des oiseaux : dans un nimier , un tilabert couve ses oeufs dans un nid posé en équilibre entre deux branches tandis qu'au dessus de nous un toujoumba (en songhai) superbe oiseau jaune, avec application transporte inlassablement quelques nouvelles brindilles pour perfectionner son nid , dans lequel par instant il disparaît par une petite ouverture placée sur le dessous de cette forme ovoïde qui pend de la branche..

Ibrahim , visage jovial et toujours souriant, entre à son tour dans le jardin ombragé de l'hotel suivi de près par la jeune femme de l' aéroport.
une voix douce répond à mon bonjour :
...enchantée ! et moi je m'appelle Blanche de Richemont "


j'ai lu son nom sur la page de garde du livre de Moussa mais le "de" m'avait laissé croire à une frêle et vieille demoiselle. En fait ,elle ressemblait dans mon imagination à la princesse russe très agée , qu'il m'avait été permis de connaître il y a quelques 20 ans . Vieille dame charmante , comme sortie d'un livre , qui disparaissait au fond d'un immense fauteuil , petite dame poussiéreuse , transparente à force d'être fragile . Son neveu , jeune homme d'une autre époque lui aussi , se tenait debout derrière , la main posée négligemment sur le dossier , et sur le mur la gravure d'un tsar... Cette image que j'avais chassée de mes souvenirs me saute au visage lorsque je decouvre la véritable Blanche de Richemont et qui n'a rien à voir avec celle que j' imaginais !

Elle est écrivain , amoureuse et spécialiste des déserts .... nous apprendrons quelques jours plus tard qu'elle est là aussi pour apporter les dernières modifications à son prochain livre " l' éloge du désir"

Nous les laissons à leur discussion , Mossa vient d'arriver et nous propose de découvrir Gao. Notre guide , cet après midi s'appelle Sidi , c'est un cousin de Mossa .
En fait ici tout se passe en famille , l'agence de voyage est celle de Mossa et les guides et chauffeurs ses cousins ... Sidi ,savez vous ce que cela signifie en langue arabe ? : saint , je l'ai appris il y a quelques années en flânant dans les ruelles de Sidi Boussaïd en Tunisie.
81553106.jpg

Gao ne se raconte pas , il faut s'y promener pour la saisir.
Une seule route goudronnée traverse la ville , toutes les autres rues , aussi larges pourtant, sont d'un sable orangé , bordées de maisons de cette même teinte chaude ou parfois se mèle la couleur plus grise de l'argile . De longs murs de même matériau occultent les jardins , car toute maison possède son jardin pour y élever quelques chèvres , où pour s'y retrouver, à l'ombre d'un arbre parfois, pour boire les trois thés traditionnels.

Le centre ville ne se prétend pas différent , sinon que s'y regroupent les divers ministères et administrations. Le long des ruelles du marché un bric-à-brac d'objets se côtoie : des vis , des chaussures , des tissus , des plaques de sel... Une petite fille à la peau d'ébène , avec application tresse les cheveux d'une autre enfant , un bébé s'est assoupi dans le dos de sa maman , un couturier devant sa machine "singer des années 40 " tire d'un morceau de tissus multicolore un pantalon non moins riche en couleur.

1920321812.jpg

Au coin d'une rue, quelques chèvres se dressent fièrement sur une montagne d' immondices ; cela me remet en mémoire quelque phrase de Daudet parlant le la chèvre de mr Seguin : "et de se voir si haut perchée elle se croit au moins aussi grande que le monde"

Sidi nous a entraîné à sa suite dans une sorte de halle marchande , ceinte de hauts murs qui assombrissent le lieu. Un veritable labyrinthe se déroule devant nous avec de chaque coté de minuscules réduits dans lesquel s'entassent parfois dans un équilibre très précaire , des chaussures, des tissus et mille autres choses encore. Il nous faut nous frayer un passage entre les sacs , caisses qui obstruent un passage si étroit que dejà sans ces monticules de paquets deux personnes ont du mal à s'y croiser, sans patauger dans la boue qui s'étale par endroits.

Le jeune Touareg , après quelques serrements de mains , quelques mots jetés dans une langue "rugueuse" , à l'un ou à l'autre , semblant ne pas trouver ce qu'il souhaite , franchit une étroite porte , Arnaud et moi toujours sur ses talons. La clarté du soleil nous saute au visage, alors que la chaleur aussitôt nous enveloppe...

1097268435.jpg
Nous traversons encore quelques dédales de rues, pour arriver sur une grand avenue de sable qui borde le fleuve.
Sur les rives du Niger c'est un autre univers grouillant de monde . Assis sur le parapet nous jouons les indiscrets car quelques femmes qui font leur toilette dans une eau plus que douteuse , d'un geste impérieux de la main nous font signe de ne pas les photographier . Même sans cela , je n'aurais pas de toutes manières fait un cliché de ce moment d'intimité , un peu plus loin un autre groupe de femmes lave leur linge . Des enfants jouent au ballon tandis que près d'eux des petits groupes de chèvres et des moutons déambulent , sous le regard indifférent d'un zébu

Au loin des pirogues s'éloignent ... 45898924.jpgAnimaux , hommes, fourrage et mille autres choses se disputent une place sur les pirogues dont certaines voient le niveau de l'eau s'avancer inexorablement vers le plat bord et prennent des allures de radeau plutôt que de barque.
Sur les quais, c'est un mélange de couleurs bigarrées : le bleu des Touareg mais aussi les teintes violines , indigo, vertes de leurs boubous , les couleurs acidulées des robes des femmes Bambara ou Songhai. Un petit âne passe près de moi chargé de paille alors que quatre jeunes hommes rentrent des champs , leurs outils de travail d'un autre temps , sur l'épaule ...mais déjà mon regard est attiré par autre chose... et j'ai beau écarquiller mes yeux je ne parviens pas à tout voir. Un Peul vient d'être hapé par la foule et je ne vois plus que son chapeau qui émerge d'une marée humaine. D'un pas rapide un autre malien apparait tenant courte une corde à laquelle est attaché un gigantesque bélier,le temps d'ajuster mon appareil et ...trop tard , la foule se referme sur lui.

Pour retourner à l' hôtel nous longeons les jardins d'une belle demeure , les bougainvillées ploient sous les fleurs roses et blanches qui se gorgent de soleil , un peu plus loin ont été plantés quelques dizaines d'arbres , bien alignés . Dans quelques années ils offriront une ombre bienfaitrice au promeneurs , mais aujourd'hui on se prend à penser qu'ils sont bien trop chétifs pour survivre. ...